Tout d'abord, nos remerciements au dessinateur Edmond Luc pour son illustration diffusée aussi sur Le Mague.net dans son article d'octobre 2007 intitulé "Une loi anti-Chrétiens ?"
Dans cette illustration on y voit Joseph, Marie, Jésus, et Nicolas (on aurait préféré Saint-Nicolas).
La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) vient de publier son rapport annuel dans lequel, elle s'inquiète pour les libertés fondamentales, elle rappelle son avis défavorable au passeport biométrique, et elle sensibilise le gouvernement et l'opinion publique sur les faibles moyens dont elle dispose pour faire valoir les droits des citoyens, face à l'augmentation constante des fichiers détenus irrégulièrement par divers services, organismes et sociétés sur la vie privée et professionnelle des Français et des étrangers.
Aussi, il s'avère opportun de rafraîchir la mémoire de plusieurs personnes, par un rappel de quelques grands arrêts de la jurisprudence administrative. Hélas, comme vous le constatez, trop souvent l'histoire se répète, se poursuit.
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1) Arrêt du Conseil d'Etat, le 19 février 1909 "Abbé Olivier".
Sur la liberté religieuse.
Les mesures anti-cultuelles et anti-cléricales prises par les gouvernements et les élus locaux depuis le début du XX e siècle à l'encontre des Juifs et des Chrétiens qui exercent leur culte à Dieu, ont pour conséquences de graves contentieux dans lesquels le Conseil d'Etat est amené à de nombreuses reprises à sanctionner les excès du pouvoir politique, de la police administrative et répressive, et plus généralement de l'administration.
Les faits :
Le maire de Sens interdit toute manifestation religieuse sur la voie publique, notamment à l'occasion des enterrements.
La procédure et la décision :
L'abbé Olivier attaque l'arrêté municipal devant les Hauts magistrats du Conseil d'Etat qui l'annulent et apportent d'importantes précisions sur le régime de certains actes de police, sur la liberté de culte et ses expressions extérieures.
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat affirme que le pouvoir de police générale du maire ne peut s'exercer que dans le respect des libertés garanties par la loi, et que toute réglementation de police ne trouve sa justification que dans la nécessité du maintien de l'ordre public.
En l'espèce la liberté religieuse, d'où découle notamment la liberté des funérailles religieuses, est bien une liberté garantie par la loi : celle du 9/12/1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, de laquelle découle le principe général du droit : "Le principe est la liberté, l'exception est la mesure de police".
Portée de l'arrêt, exemples :
Arrêt du Conseil d'Etat du 1er mai 1914 "Abbé Didier" ;
Arrêt du Conseil d'Etat du 5 mars 1948 "Jeunesse indépendante Chrétienne féminine" ;
Arrêt du Conseil d'Etat du 3 décembre 1954 "Rastouil" ;
Dans ces arrêts aussi, les autorités publiques et l'administration policière sont sanctionnées pour entrave à la liberté fondamentale de religion et de cérémonies traditionnelles ou non-traditionnelles.
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2) Arrêt du Conseil d'Etat, Assemblée du contentieux, le 19 mai 1933 "Benjamin".
Sur la liberté publique de réunion.
Le Conseil d'Etat affirme que les libertés fondamentales sont celles instituées par les textes (Constitution, traités internationaux, lois...) et qui font l'objet de protection et de garanties détaillées.
Telle est la liberté de réunion, la liberté de culte, la liberté d'expression, la liberté de presse, la liberté d'association, la liberté de conscience, la liberté syndicale...
Les faits :
Le maire de Nevers interdit une réunion du conférencier René Benjamin sur Jeanne d'Arc pour motif de trouble à l'ordre public.
La procédure et la décision :
Le Conseil d'Etat casse la décision du maire et lui rappelle qu'il lui appartient de prendre les mesures nécessaires à la protection de la liberté de réunion, et qu'il aurait dû prendre les mesures de police nécessaires pour conciler la liberté de réunion avec celle de l'ordre public.
Le principe de droit est : "La liberté prime sur la réglementation de police".
Le juge administratif veille tout particulièrement à la juste proportionnalité entre la réelle menace de trouble, et la mesure de police supposée y remédier.
De plus, les interdictions générales et absolues qui portent atteinte aux libertés fondamentales sont, en principe (exemple d'exception : l'application temporaire et encadrée de l'article 16 de la Constitution sur les pouvoirs exceptionnels du Président de la République), illégales ou irrégulières.
Portée de l'arrêt, exemples :
Arrêt du Conseil d'Etat du 22 juin 1951 "Daudignac" ;
Arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2000 et du 4 février 2004 "Association Promouvoir".
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3) Arrêt du Tribunal des conflits, le 8 avril 1935 "Action Française".
Sur le juge compétent pour sanctionner une voie de fait et les actes illégaux d'un préfet.
Le Tribunal des conflits qualifie de voie de fait la saisie du journal "Action Française", ordonnée par le préfet de police, ce qui a pour effet de dévoluer (transmission intégrale en droit et en fait) l'affaire au juge judiciaire.
La voie de fait est une mesure manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration. On distingue la voie de fait par manque de droit qui est une décision grossièrement illégale de saisir le journal ; de la voie de fait par manque de procédure qui est l'exécution matérielle de la saisie du journal, exécution gravement illégale issue d'une décision elle-même illégale, d'où le cumul de voie de fait.
Les faits :
Le préfet de police ordonne la saisie totale du journal "Action Française" à Paris et dans tout le département de la Seine.
La procédure et la décision :
Le Tribunal des conflits sanctionne le préfet pour voie de fait. Parce qu'il commet une atteinte particulièrement grave à une liberté publique fondamentale et à la propriété privée.
Le préfet de police a violé la liberté de presse, et la saisie du journal ne pouvait se justifier qu'à certains lieux précis et limités de Paris, et non à tout Paris ni à tout le département de la Seine.
Une exécution irrégulière - celle de la saisie abusive d'un journal, issue d'une décision elle-même illégale, portent atteinte aux libertés fondamentales, celles de la presse, de l'expression et de la propriété privée.
Le juge judiciaire ou le juge administratif sont tous les deux compétents pour sanctionner la voie de fait commise, par exemple, par le préfet de police ou par son administration policière.
Portée de l'arrêt, exemples :
Arrêt du Tribunal des conflits du 27 mars 1952 "Dame de la Murette".
Arrêt du Tribunal des conflits du 27 juin 1966 "Guigon" ;
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4) Arrêt d'Assemblée du Conseil d'Etat, le 24 juin 1960 "Société Frampar et Société France éditions et publications, journal France-Soir".
Sur la saisie illégale d'un journal.
La saisie d'un journal constitue une mesure administrative au contentieux relevant du juge administratif.
Le Conseil d'Etat annule les arrêtés du préfet d'Alger pour excès de pouvoir et censure son détournement de procédure.
Le Conseil d'Etat s'attache à la finalité de l'acte pour déterminer la nature d'une saisie.
Apport de l'arrêt :
Si la saisie d'un journal est une mesure de police administrative, le juge judiciaire considère, lui, que la saisie de la totalité d'une édition est soumise à la sanction de la juridiction judiciaire.
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5) Arrêt du Conseil d'Etat, Assemblée du contentieux, le 28 mai 1954 "Barel".
Sur la discrimination commise par un ministre envers un candidat à un concours administratif.
Les faits :
Le secrétaire d'Etat à la présidence du conseil exclus le sieur Barel ainsi que d'autres candidats communistes, de la liste des candidats inscrits au concours d'entrée à l'Ecole Nationale de l'Administration.
Puis, un membre du cabinet du ministre déclare que : "le gouvernement refuse tout candidat communiste à l'ENA".
Problème juridique :
Les opinions politiques ou autres d'un candidat sont-elles des motifs de droit pour l'exclure d'un concours, et lui interdire donc l'entrée à la fonction publique ?
La procédure et la décision :
Sieur Barel demande au Conseil d'Etat l'annulation de la décision du secrétaire d'Etat.
Le Conseil d'Etat annule la décision ministérielle d'exclusion du sieur Barel de la liste du concours d'entrée à l'ENA.
Le Conseil d'Etat sanctionne le ministre parce qu'il méconnaît le principe d'égalité de l'accès de tous les Français aux emplois publics inscrit à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le Conseil d'Etat confirme sa précédente jurisprudence sur la liberté d'opinion des fonctionnaires, consacrée par le 5 ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946, selon lequel "Nul ne peut être lésé, dans son travail ou dans son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions et de ses croyances".
De plus, la décision de refus d'une candidature qui est une décision individuelle défavorable et restreignante de l'exercice d'une liberté doit être expressément motivée - par un motif ayant une base légale, selon la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs.
Portée de l'arrêt, exemples :
Arrêt du Conseil d'Etat du 18 mars 1983 "Mulsant" ;
Arrêt du Conseil d'Etat section du 10 juin 1983 "Raoult".
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6) Arrêt du Conseil d'Etat, Assemblée du contentieux du 27 octobre 1995 "Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d'Aix-en-Provence".
Sur la dignité humaine composante de l'ordre public.
Les faits :
Des discothèques utilisent pour leurs spectacles des nains qui sont lancés. Les spectateurs profitent donc de l'handicap physique des personnes pour leur plaisir malsain.
La procédure et la décision :
Les maires de Morsang-sur-Orge (91) et d'Aix-en-Provence (13) décident d'interdire cette pratique inhumaine et honteuse.
Le Conseil d'Etat considère que le "lancer de nain" porte atteinte à la dignité de la personne humaine, et que cet élément est une composante de l'ordre public. Approuvant ainsi les arrêtés municipaux.
Les Hauts magistrats répondent sur la nature du spectacle de "lancer de nain" qu' : "Une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine".
Le maire est donc bien compétent pour prendre toute mesure préventive d'une atteinte à la dignité humaine, en fondant son arrêté sur le trouble à l'ordre public et l'atteinte à la dignité humaine.
De plus, le préfet, le parquet ou la police nationale, qui en l'occurrence dans cette affaire sont restés silencieux, n'ont pas à attendre qu'il y ait un arrêté municipal pour intervenir lorsqu'il y a atteinte à la dignité humaine, et donc trouble à l'ordre public.
Le maire est bien compétent pour prendre toute mesure préventive d'une atteinte à l'ordre public, et l'atteinte à la dignité de la personne humaine n'est pas susceptible d'une appréciation variable d'une commune à une autre.
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7) Arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 16 juin 2005 "Témoins de Jéhovah c/ Ministre d'Etat, ministre de l'intérieur".
Sur le refus d'un ministre de transmettre les informations détenues par l'administration, et sur la définition d'un document administratif.
Les faits :
Les Témoins de Jéhovah sont victimes d'investigations à leur insu, de la part des services des Renseignements Généraux.
La procédure et le jugement :
Les Témoins de Jéhovah demandent au ministre de l'intérieur la communication des documents que possèdent par investigations, les Renseignement Généraux.
Le ministre de l'intérieur refuse de transmettre les documents détenus par les Renseignements Généraux sur les Témoins de Jéhovah.
Les Témoins de Jéhovah saisissent alors le Tribunal administratif de Paris qui rejette leur requête, jugeant que lesdits documents que possèdent les Renseignements Généraux, ne sont pas des documents administratifs, mais des actes des assemblées parlementaires.
Les Témoins de Jéhovah font appel.
Décision de la Cour administrative d'appel de Paris :
La Cour administrative d'appel de Paris considère que les documents que possèdent les Renseignements Généraux sur les Témoins de Jéhovah, au titre de la demande d'assistance de la mission parlementaire d'enquête, SONT DES DOCUMENTS ADMINISTRATIFS au sens du présent titre (c'est-à-dire de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978).
La Cour administrative d'appel de Paris DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris est ANNULE.
Article 2 : La décision du ministre refusant la communication des documents concernant les demandes et investigations réalisées auprès des Témoins de Jéhovah de France par la direction des Renseignements Généraux au titre de la demande d'assistance de la mission d'enquête parlementaire constituée le 15 décembre 1998 est ANNULEE.
Article 3 : Il est ENJOINT au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire de REEXAMINER la demande de communication de documents en cause présentée par les Témoins de Jéhovah de France dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat VERSERA aux Témoins de Jéhovah de France la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du Code de justice administrative.
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