La CEDH condamne la Grande-Bretagne pour "violation à la vie privée et familiale"
LES FAITS
En 2001, la Chambre des Communes d'Angleterre vote une loi autorisant le fichage des empreintes génétiques des personnes arrêtées pour toute infraction.
Or, des Britanniques sont innocentés par la justice du Royaume-Uni, mais l'administration Britannique conserve leurs profils ADN prélevés au cours de la procédure judiciaire.
LA PROCEDURE JUDICIAIRE
Les innocentés demandent à l'administration que leurs empreintes génétiques soient supprimées du fichier issu de la loi Anglaise de 2001.
Après refus de leur requête par l'administration, ils saisissent les juridictions Britanniques, mais celles-ci les déboutent.
C'est alors que les innocentés utilisent le dernier recours possible dans l'Union Européenne : la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) qui siège à Strasbourg.
La Haute juridiction européenne, réunie en assemblée plénière au nombre de 17 Hauts magistrats européens, dite Grande Chambre de la Cour, rend le 4 décembre 2008 sa décision qui sanctionne la Grande-Bretagne pour "violation à la vie privée et familiale".
DECISION DE LA CEDH
Cour Européenne des Droits de l'Homme, Grande Chambre, arrêt du 4 décembre 2008.
L'arrêt du 4 décembre 2008 de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) vient de sanctionner la Grande-Bretagne pour avoir violer "le droit à la vie privée et familiale" de 2 Britanniques innocentés par la justice Anglaise.
En l'espèce, 2 Britanniques innocentés par la justice étaient victimes d'une mesure administrative consistant à conserver pour une durée illimitée, les prélèvements ADN effectués sur toute personne, y compris mineure, arrêtée pour une infraction, même légère. En effet, depuis 2001 le Royaume-Uni dispose d'un fichier d'ADN comptant à présent 4,5 millions de personnes fichées.
Violation du droit à la vie privée
La Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, c'est-à-dire la formation solennelle de la CEDH, considère que la Grande-Bretagne a "violé le droit à la vie privée et familiale" de deux Britanniques. L'un d'entre eux étant mineur au moment du fichage de son ADN, la Cour Européenne des Droits de l'Homme considère le fichage "particulièrement préjudiciable dans le cas des mineurs". En effet, la loi Anglaise ayant un caractère "général et indifférencié", l'administration traite un mineur comme un majeur, et un innocent comme un coupable.
Irrespect de la présomption d'innocence
La Cour Européenne des Droits de l'Homme relève "le risque de stigmatisation qui découle du fait que les personnes qui n'ont été reconnues coupables d'aucune infraction et sont en droit de bénéficier de la présomption d'innocence, sont traitées de la même manière que des condamnés".
Ce qui est particulièrement grave pour le fichage de l'ADN d'un mineur, de plus innocenté.
Ainsi, les Hauts magistrats européens de la CEDH considèrent que le fichage de l'ADN des innocents constitue une atteinte au principe de la présomption d'innocence.
En droit Français, la présomption d'innocence est un véritable droit subjectif. Ainsi, depuis les réformes de 1993, la présomption d'innocence est à l'article 9-1 du Code civil, et depuis la loi du 15 juin 2000 de l'ancienne Garde des Sceaux Madame Elisabeth GUIGOU, le principe de la présomption d'innocence se place en-tête du Code de procédure pénale. Il est aussi important de noter qu'en début d'audience pénale, le Président du tribunal Français lit publiquement cet article sur la règle de la présomption d'innocence.
Dépassement de toute marge d'appréciation
Le Royaume-Uni a, selon la CEDH , "outrepassé toute marge d'appréciation acceptable".
On peut commenter cette décision par le fait que la présomption d'innocence dure tout au long de la procédure judiciaire, qu'elle soit pénale ou civile. Ensuite, une fois déclarée innocente par la justice, la personne ne doit pas être traitée comme un suspect ni comme un mis-en-examen.
Or, il s'avère que le Royaume-Uni, par sa loi de 2001 légalisant le fichage systématique des personnes arrêtées, y compris innocentées, conserve l'ADN des innocents avec ceux des coupables, ce que la Cour européenne condamne fermement.
Irrespect de la règle Non bis in idem
En outre, selon l'article 4-1 du Protocole 7, le principe Non bis in idem signifie le : Droit de ne pas être jugé ou puni deux fois.
"Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat".
Par conséquent, en gardant dans le fichier des empreintes génétiques les échantillons d'innocents, l'administration Anglaise sanctionne des personnes déclarées innocentes par la justice. Ce qui est une violation du principe Non bis in idem, car un innocent n'a pas à subir une telle mesure.
Mépris de l'autorité de la chose jugée
Lorsqu'une Cour rend une décision devenue définitive, celle-ci a dès lors autorité de la chose jugée. Cette décision ne saurait être bafouée, comme en l'espèce, par une mesure administrative. Or, dans ce cas l'administration Britannique ne respecte pas l'autorité de la chose jugée issue de la décision des juges déclarant la personne innocente, puisque l'administration conserve l'ADN des innocentés comme s'ils étaient condamnés. Par cette mesure, l'administration sanctionne des innocents après la décision des juges. Ainsi, à la fois elle ne respecte pas l'autorité de la chose jugée, et elle commet un préjudice envers les innocents.
Au Royaume-Uni, l'intérêt public prévaut sur les libertés individuelles
Depuis cette loi de 2001 autorisant le fichage d'ADN, et depuis la loi de 2006 établissant la Carte d'Identité Biométrique pour les Britanniques, la Grande-Bretagne donne priorité à l'intérêt public sur les libertés individuelles. Il s'agit donc d'un changement radical de la part des autorités Britanniques.
Cette Carte d'identité Biométrique comprend les empreintes digitales et les données biométriques de l'iris de l'oeil. Ainsi, désormais, les Britanniques doivent avoir soit, une Carte d'Identité Biométrique, soit un Passeport Biométrique de l'Union Européenne.
APRES LA GRANDE-BRETAGNE, LA FRANCE ?
Une telle décision de la CEDH aurait-elle un effet en droit interne Français ?
Depuis la loi du 15 juin 2000, dite GUIGOU, un arrêt rendu par la CEDH condamnant la France, déclenche un nouvel examen de l'affaire devant une juridiction Française. Et par conséquent, la décision rendue par la CEDH en droit communautaire, amènerait à un nouvel arrêt d'une Cour Française, donc en droit interne. Ce qui signifie que si une décision comme celle-ci sanctionnait la France, il y aurait une nouvelle décision, un revirement de la jurisprudence d'une Cour Française tirant, très souvent mais pas automatiquement, les conclusions de la décision de la CEDH.
A l'heure où la France met en place le fichier EDVIRSP (Exploitation documentaire et valorisation de l'information relative à la sécurité publique), il ne serait pas étonnant que prochainement la Cour Européenne des Droits de l'homme rende une décision sanctionnant une fois de plus la France "multi-récidiviste" en matière de violation des Droits de l'Homme, et qui possède un lourd "casier judiciaire" à la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
LOURD PASSE DE LA FRANCE AVEC LIENS DE CAUSALITES
L'histoire Constitutionnelle Française nous rappelle que peu après l'adoption de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, le régime Révolutionnaire et Républicain de la Terreur appliqua à sa façon ladite Déclaration de 1789. Idem, lors de la Troisième République pendant l'affaire "Capitaine DREYFUS", ou encore durant la Seconde Guerre Mondiale, sous le régime de Vichy : Crimes contre l'Humanité, déportations des Juifs, des Chrétiens et des autres opposés aux mesures anti-Sémites et fascistes.
C'est de cette époque des "Nuits et brouillards", des rafles dont celle du Vél d'hiv à Paris, que date le principe de ficher les personnes ou probablement même avant la Seconde Guerre Mondiale. Autrefois, le fichage concernait surtout les Juifs, mais également des Chrétiens, des Noirs, des Gens du Voyage, des Homosexuels et autres persécutés de l'Etat Français, des Nazis et de leurs co-auteurs et complices.
Aujourd'hui encore, n'est-ce pas qu'il suffit d'être membre d'une association cultuelle, par exemple, Juive ou Chrétienne pour être fiché à la Préfecture ?
Libellés : Droit